Solidarité sociale : les deux types, définitions et exemples illustrés

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Un ensemble d’individus peut rester uni sans partager les mêmes croyances ou valeurs. La cohésion sociale ne dépend pas toujours d’une ressemblance entre membres d’un groupe. Contrairement à une idée répandue, la diversité peut renforcer les liens collectifs autant que la similitude.

Émile Durkheim a posé les bases d’une compréhension scientifique de ce phénomène dès la fin du XIXe siècle. Ses travaux distinguent deux modèles fondamentaux, dont la coexistence persiste dans les sociétés actuelles. Ces distinctions éclairent le fonctionnement de groupes humains très différents, des petites communautés rurales aux sociétés modernes complexes.

Comprendre la solidarité selon Émile Durkheim : une notion fondatrice en sociologie

La solidarité sociale n’est pas un effet du hasard. Ce terme parcourt le droit romain, la philosophie, l’économie, les sciences sociales ou politiques. Chez Émile Durkheim, le mot prend une tournure décisive : la cohésion d’un groupe humain ne tient ni à la force brute ni à la seule loi, mais à un fait social qui s’impose à chacun, souvent à son insu. La solidarité dessine la structure même de la société, bien au-delà d’un simple sentiment d’entraide.

Pour Durkheim, la division du travail social devient le moteur de la cohésion. Il ne s’agit pas seulement de répartir les tâches, mais de comprendre comment s’organisent coopération et responsabilité collective. La solidarité se fait alors à la fois principe de droit, valeur et obligation. Elle irrigue l’éthique, influence les politiques publiques et façonne la justice sociale.

Voici comment la solidarité a évolué, du droit antique à l’État moderne :

  • Le droit romain a défini la responsabilité collective : chacun répond pour tous, tous pour chacun.
  • Au XIXe siècle, la solidarité s’affirme : elle ne se limite plus à la charité, elle devient un contrat social laïcisé.
  • Au XXe siècle, l’État s’en empare à travers la protection sociale et la santé publique.

La solidarité se présente alors à la fois comme idéal, devoir moral et levier d’action collective. Contestée par l’essor du néolibéralisme, elle se transforme, parfois s’efface, mais demeure au cœur de chaque débat sur l’équité, l’intérêt général ou la préservation des générations à venir.

Quels sont les deux types de solidarité identifiés par Durkheim ?

Durkheim ne juxtapose pas simplement deux formes de liens sociaux : il dresse une frontière nette entre solidarité mécanique et solidarité organique. La première s’observe dans les sociétés traditionnelles, où la ressemblance est la règle. Les membres partagent croyances et pratiques, et la conscience collective domine l’individu. Le droit, souvent répressif, vise à préserver l’unité du groupe. L’exemple classique : le village rural d’autrefois, où chacun adhère sans réserve à des normes communes.

Avec la solidarité organique, le modèle bascule. Cette forme domine dans les sociétés modernes où la division du travail structure les relations. Les individus se spécialisent, les fonctions se multiplient, la coopération devient indispensable. Ici, la cohésion repose sur la complémentarité des rôles. Le droit s’oriente vers la réparation plutôt que la sanction, et la société s’assemble comme un organisme complexe. L’usine, la ville, l’administration en sont des exemples frappants : chaque compétence s’imbrique dans un ensemble dynamique.

Pour résumer clairement les spécificités de chacune :

  • Solidarité mécanique : ressemblance, communautés traditionnelles, droit répressif.
  • Solidarité organique : différenciation, sociétés industrielles, droit restitutif.

La force de l’analyse durkheimienne réside dans cette lecture précise : dans chaque forme de solidarité, on décèle les lignes de fracture et d’unification qui façonnent la vie sociale.

Solidarité mécanique et solidarité organique : définitions claires et exemples concrets

La solidarité mécanique, selon Durkheim, distingue les sociétés traditionnelles où la ressemblance façonne les liens. Chacun partage rituels, croyances, visions du monde. La conscience collective s’impose, le droit répressif sanctionne toute atteinte à l’unité du groupe. Le village rural, où la proximité et les liens familiaux cimentent la communauté, en offre une illustration concrète : l’oralité, la pression sociale y règnent sans partage.

La solidarité organique correspond aux sociétés modernes, nées de la division du travail social. Ici, la différenciation s’impose : chacun occupe un rôle précis, dépendant des autres. L’individualisation progresse, mais la société ne se fragmente pas pour autant. Elle repose désormais sur la complémentarité. L’usine, l’hôpital, l’administration publique illustrent ce fonctionnement où le droit restitutif, qui répare, ajuste, garantit la coopération, remplace peu à peu la sanction.

Voici un aperçu des caractéristiques propres à chaque type de solidarité :

  • Solidarité mécanique : uniformité, traditions, pression sociale, droit répressif.
  • Solidarité organique : spécialisation, interdépendance, coopération, droit restitutif.

Distinguer ces deux modèles permet d’éclairer la métamorphose des liens sociaux à l’industrialisation, mais aussi d’analyser les tensions actuelles autour de la cohésion sociale et du travail social. Situer une société sur ce spectre, c’est comprendre la nature de ses liens sociaux et ses vulnérabilités.

Jeune volontaire aidant une personne agee devant sa maison

Pourquoi la solidarité reste-t-elle essentielle dans nos sociétés contemporaines ?

Depuis plus d’un siècle, la solidarité sociale irrigue la protection sociale en France. La sécurité sociale en constitue la pierre angulaire : qu’il s’agisse des prestations familiales, des allocations logement, des retraites complémentaires ou de l’assurance maladie, toutes ces protections s’appuient sur une règle simple et exigeante : partager les risques, mutualiser les ressources. Impôts et cotisations alimentent ce système, mêlant assurance contributive et prestations non contributives.

Face à la montée des inégalités sociales, la solidarité ne se limite pas à une logique de redistribution. Elle s’inscrit dans une éthique collective, liant chaque membre de la société, aujourd’hui comme demain. Les débats sur la portée des prestations, la légitimité des transferts ou la viabilité du modèle mettent en lumière une tension entre protection collective et désir de liberté individuelle.

D’autres canaux irriguent les relations économiques et sociales en dehors de l’État. Les mutuelles, associations, Scop ou fondations nourrissent une économie plurielle où la réciprocité, le don et la coopération complètent la logique marchande. Ces structures, réunies au sein de l’OESS (organisations de l’économie sociale et solidaire), montrent que la solidarité s’invente aussi hors des institutions publiques.

Aujourd’hui, la solidarité dépasse les frontières nationales et générationnelles : aide internationale, gestion des catastrophes naturelles, réflexion sur la dette écologique envers les générations futures. Le défi n’est plus seulement de maintenir la cohésion sociale, mais de forger de nouveaux modes de coopération, à l’échelle d’un monde en interdépendance.

À chaque époque, la solidarité révèle la capacité d’une société à se réinventer pour faire face aux bouleversements collectifs. Ce fil tendu entre passé, présent et futur n’a pas fini de nous interroger.